La prorogation du bail (Rés. Princ.) pour « circonstances exceptionnelles »

Publié par , le 20 avril 2017 - , ,

Ces termes « barbares » trouvent leur siège dans l’article 11 de la loi du 20 février 1991 et ne concernent qu’une catégorie particulière de locataires : ceux et celles occupant

le bien loué en l’affectant à leur résidence principale. Sont donc exclus du bénéfice de l’application de cet article, tous les baux qui ne concernent pas la résidence principale du preneur. 

Pour que le locataire puisse solliciter une prorogation pour circonstances exceptionnelles, l’article 11 pose une condition de départ : il faut que le bail vienne à échéance ou prenne fin par l’effet d’un congé. 

Cette condition de départ peut sembler curieuse en ce sens que la loi du 20 février 1991 précise que, dans tous les cas, un bail relatif à la résidence principale du preneur ne prend pas fin de plein droit lorsqu’il arrive à échéance. Sauf dans un cas : lorsqu’il s’agit d’un bail à vie et que le locataire décède. Dans tous les autres cas, lorsqu’un bail arrive au terme de la durée convenue, il est prorogé dans des conditions fixées par la loi. 

Donc, lorsque le bail prend fin par l’effet d’un renon et si des circonstances empêchent le locataire de libérer les lieux à son échéance, celui-ci peut solliciter une prorogation (prolongation) pour circonstances exceptionnelles selon les modalités prévues à l’article 11. 

Cette sollicitation peut être faite, même si le préavis a été signifié par le locataire. Dans ce cas, les circonstances exceptionnelles invoquées par le locataire doivent être postérieures à la notification du renon. 

Dans le cas d’une convention de résiliation amiable, l’article 11 pourra également s’appliquer puisqu’il commence par poser cette condition explicite : « lorsque le bail vient à échéance… » Dès lors, même lorsque les parties concluent une convention de résiliation amiable, le locataire qui justifie de circonstances exceptionnelles pourra introduire une demande de prorogation. 

L’une des premières conditions pratiques fixées par l’article 11 de la loi sur le bail de résidence principale impose que la demande de prorogation pour circonstances exceptionnelles soit adressée par le locataire au bailleur, au plus tard un mois avant l’expiration du bail et par lettre recommandée. Cette disposition est impérative et le non-respect de cette condition rend la demande de prorogation irrecevable. 

Il faut également savoir que selon l’article 11, il est possible de solliciter une seconde prorogation pour circonstances exceptionnelles. Dans ce cas, la seconde demande devra être adressée au plus tard un mois avant l’expiration de la première prorogation du bail. 

Lorsque le locataire sollicite, dans les formes légales, une prorogation pour circonstances exceptionnelles, le bailleur peut accepter cette demande, tenter de négocier les conditions de cette prorogation ou la refuser. Dans tous les cas, le silence du bailleur ne peut pas être considéré comme un consentement. 

Si un accord entre les parties n’a pas pu être trouvé, la prorogation pour circonstances exceptionnelles devra être demandée par voie judiciaire. 

Lorsqu’une demande de prorogation pour circonstances exceptionnelles est introduite auprès du juge de paix (par citation, requête contradictoire ou comparution volontaire), le juge devra surtout se prononcer sur l’existence et la recevabilité des circonstances exceptionnelles invoquées par le locataire. Enfin, il devra rendre une décision en tenant compte de l’intérêt des deux parties. 

Si le juge accorde la prorogation pour circonstances exceptionnelles, il doit également en fixer la durée. Selon les termes de l’article 11, il peut également accorder une augmentation du loyer. 

Que sont les circonstances exceptionnelles ? 

L’article 11 de la loi sur le bail de résidence principale ne définit pas les circonstances exceptionnelles… 

« fort heureusement », les travaux parlementaires sont beaucoup plus explicites et indiquent: « Les “circonstances exceptionnelles” sont celles qui rendent problématique, pendant un certain temps, la perspective d’un déménagement ou la recherche d’un autre logement. Elles visent, d’une part, des situations d’urgence, imprévisibles ou subites, d’autre part, des difficultés moins circonstancielles, telles que le grand âge du preneur, dont il paraît nécessaire de permettre au juge de tenir compte dans la “balance” des intérêts des parties. »

Sur cette base, voici une liste succincte de circonstances que la jurisprudence a reconnues comme ayant un caractère exceptionnel : 

– la grossesse alliée à l’obligation de repos particulier ; 

– le grand âge du locataire alliée à d’autres éléments ; 

– une grave intervention chirurgicale ; 

– l’exercice d’un mandat politique communal (échevin) et la candidature aux élections communales ; 

– la très grande difficulté rencontrée à trouver un nouveau logement adéquat, soit parce qu’il ne sera disponible que deux mois plus tard, soit parce qu’en raison de l’activité professionnelle, il doit être situé dans un périmètre de 10 à 15 km ; 

– le retard dans l’achèvement de la construction d’un nouveau logement non imputable au locataire, mais si la construction n’est même pas encore commencée, il n’y a pas lieu d’accorder une prorogation ;

Par contre, voici les circonstances que la jurisprudence n’a pas reconnues comme ayant un caractère exceptionnel :

– lorsque les difficultés invoquées sont propres à toutes difficultés de retrouver un nouveau logement ; 

– lorsque le mauvais état de santé du locataire existe depuis déjà tout un temps ; 

– lorsque la construction d’un nouveau logement n’a pas encore été entamée ; 

– lorsque le locataire a décidé d’entamer des travaux d’aménagement dans sa nouvelle habitation ; 

– lorsqu’en cas de congé donné par le locataire, la circonstance qu’il invoque n’est pas postérieure à son renon ;

– lorsque le preneur invoque la non-disponibilité immédiate d’un nouveau logement acheté récemment alors que pendant plus de huit mois, il a méconnu le congé donné par le bailleur.

Enfin, lorsque le locataire fait une demande de prorogation pour circonstances exceptionnelles, il doit pouvoir prouver l’existence de celles-ci. De même, les circonstances invoquées par le preneur doivent être personnelles. 

L’article 11 stipule que le « juge peut accorder la prorogation en tenant compte de l’intérêt des deux parties… ». 

Ce principe implique que le juge devra, tour à tour, examiner les circonstances invoquées par le locataire et, ensuite, apprécier les circonstances que le bailleur allègue pour justifier son refus de la prorogation en faisant la balance des intérêts en présence. C’est sur cette base qu’il accordera ou refusera la prorogation. 

Lorsque la prorogation arrive à son terme, celle-ci prend fin de plein droit. Autrement dit, ni le bailleur, ni le preneur ne doivent donner un nouveau préavis. Il importe donc que la durée de la prorogation soit fixée de manière certaine. C’est d’ailleurs une obligation lorsque la prorogation pour circonstances exceptionnelles est accordée par voie judiciaire. 

Ici aussi, le juge doit tenir compte des intérêts des deux parties pour déterminer la durée de la prorogation. 

Pour terminer, envisageons le cas dans lequel les parties décident de conclure une convention de prorogation à l’amiable. Dans ce cas, les parties ne sont pas tenues par les conditions strictes de l’article 11 de la loi sur le bail de résidence principale. Les parties sont libres de déterminer les conditions dans lesquelles se déroulera la prorogation. 

Ainsi, les parties peuvent convenir d’une prorogation à l’amiable, même si le locataire n’a pas fait sa demande de prorogation dans les conditions de validité fixées par l’article 11 (ex : s’il n’a pas fait sa demande par lettre recommandée ou qu’il n’a pas respecté le délai d’un mois avant l’échéance du bail ou de la prorogation). 

La prorogation amiable pour circonstances exceptionnelles peut être accordée autant de fois que les parties en font le souhait. Elles ne sont pas tenues par la limite d’un seul renouvellement, tel que stipulé à l’article 11. 

Les parties déterminent librement la durée de la prorogation. 

Afin d’éviter tout litige inutile, les parties veilleront à retranscrire par écrit les conditions de leur accord concernant la prorogation pour circonstances exceptionnelles. 

En principe, une convention de prorogation pour circonstances exceptionnelles pourrait être faite verbalement. Mais dans ce cas, le locataire qui continue à occuper le bien pendant un certain temps avec l’accord du bailleur pourrait invoquer qu’un nouveau bail a été conclu à l’issue du bail résilié ou venu à échéance. De même, les parties auront des difficultés à pouvoir déterminer de manière certaines les conditions constitutives de leur accord….

Prudence donc…

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