Le ‘Tax Shift’ bruxellois: 10 % d’impôts en plus pour les propriétaires bruxellois ?

Le ministre bruxellois des Finances et du Budget, Guy Vanhengel, épaulé par une taskforce fiscale composée d’experts, a remis un rapport concernant cette réforme fiscale qui, dit-il, « assurera l’avenir et la robustesse financière de notre Région ». Qu’en est-il réellement ?
Voici l’opinion argumentée d’Olivier de Clippele (député régional et notaire)

L’objectif de l’accord du gouvernement régional bruxellois est d’augmenter les impôts chez les propriétaires immobiliers (+ 10 %) et de réduire l’impôt sur les revenus (- 2 %).

On peut rapidement se rendre compte que cette augmentation concernera également les petits propriétaires pensionnés qui verront leur précompte immobilier (taxe foncière) augmenter de dix pour cent, sans augmentation de leur pension légale ; on pense ici aux indépendants et aux travailleurs pensionnés du secteur privé qui ne bénéficient pas d’une pension aussi importante que les travailleurs pensionnés du secteur public. Ces derniers verront un meilleur équilibrage entre l’augmentation de l’impôt immobilier et l’augmentation de leur pension nette.

De plus, les familles avec enfants à charge ou ayant une personne handicapée à charge ne pourront plus bénéficier de la réduction du précompte immobilier.

Augmentation de la part régionale du précompte immobilier : à savoir une hausse d’environ 53 % de l’additionnel « agglo », soit une hausse d’environ 10% de la recette globale.
296.090 propriétaires sont touchés par la mesure, dont 274.969 ménages et 21.121 entreprises
La proportion de ménages résidant à Bruxelles est de 73,4 %.
La proportion d’entreprises bruxelloises touchées par la mesure est de 72,4 %.

Suppression des réductions au précompte immobilier : c’est à dire la suppression de réductions accordées notamment aux invalides de guerre, aux enfants et moins valides à charge, et visant également les habitations modestes. À mons sens, ces suppressions de réduction du précompte immobilier sont anti-sociales :

  • elles touchent les propriétaires les plus modestes.
  • elles touchent les personnes handicapées.
  • elles touchent les familles avec deux enfants ou plus.

Au total, ceci se solde par une hausse générale du précompte immobilier : les grands perdants de la réforme sont :

  • les petits pensionnés : la réduction de l’IPP de 2 % (voir ci-dessous) ne compensera jamais la hausse du précompte immobilier de 10 %.
  • les propriétaires-bailleurs qui ne résident pas à Bruxelles : ils ne pourront pas bénéficier de la réduction de l’IPP mais supporteront bien la hausse du précompte immobilier de 10 %.

 

– Suppression du bonus logement :
La Belgique a de longue date encouragé l’accession à la propriété privée par l’instauration d’un « bonus logement » qui est un correctif à l’imposition très lourde qui pèse sur les salaires. Ce bonus logement accorde ainsi une réduction annuelle de près de 2.500 EUR aux couples qui achètent leur premier et unique logement. Cette réduction annuelle leur permet également d’accéder plus facilement au crédit bancaire.

Le bonus logement permet également de réduire l’écart de taxation entre les salariés belges et les fonctionnaires internationaux qui payent moins d’impôts. Comme le nombre de fonctionnaires internationaux est particulièrement important sur Bruxelles, la suppression annoncée du bonus logement est une mauvaise nouvelle pour les candidats acheteurs de leur propre logement.
Cette suppression ne concerne donc pas les exilés fiscaux ni les fonctionnaires internationaux exonérés à l’IPP qui achètent des biens à Bruxelles. En revanche, elle concerne bien les salariés qui supportent l’IPP belge : cette mesure va accentuer la concurrence déloyale entre les acquéreurs qui ont un régime fiscal de faveur et les acquéreurs qui payent leurs impôts en Belgique.

Réduction de l’IPP de 2% : cette réduction est favorable aux classes moyennes et atténue la mesure citée ci-dessus concernant le bonus logement.

Réduction des droits d’enregistement à l’achat de son unique logement : c’est une bonne mesure, même si les montants envisagés par les experts et le Ministre divergent : les experts parlent de 0% jusqu’à 230.000 EUR, tandis que le ministre évoque les 0% juqu’à 175.000 EUR.

– Suppression du droit d’enregistrement (1%) sur les hypothèques : il s’agit d’une mesure sociale demandée de longue date car il est anormal de taxer le candidat acheteur qui emprunte.

Réduction des droits de donation immobilière : cette réduction était nécessaire, depuis la réforme flamande entrée en vigueur en juilllet 2015. En effet, à la suite de la réduction des droits de donation
immobilières décidée au nord du pays depuis le 1er juillet 2015, il est à prévoir que des milliers de propriétaires bruxellois seront tentés de déménager en Flandre pour pouvoir donner leur patrimoine immobilier à des tarifs nettement moins spoliateurs que ceux actuellement en vigueur. La réduction annoncée des droits de donations immobilières à Bruxelles est une bonne mesure si ce n’est qu’elle ne va pas aussi loin qu’en Flandre :

 

TARIFS DES DROITS DE DONATIONS IMMOBILIÈRES :

BRUXELLES : droits de donations immobilières

Ligne directe,
époux/cohabitants[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]
Frère ou sœur Oncle ou tante Autres
0 à 50.000 3 % 20 à 30 % 35 % 40 %
50.001 à 100.000 8 % 40 % 50 % 55 à 65 %
100.001 à 175.000 9 % 55 % 60 % 65 %
175.001 à 250.000 18 % 60 % 70 % 80 %
250.001 à 500.000 24 % 65 % 70 % 80 %
500.001 et + 30 % 65 % 70 % 80 %

PROJET TAX SHIFT BRUXELLOIS pour les donations immobilières

Ligne directe,
époux/cohabitants[2]
Frère ou sœur Oncle ou tante Autres
0 à 100.000 3 % 20 % 40 % 40 %
100.000 à 500.000 9 % 30 % 50 % 50 %
500.000 à + 27 % 40 % 60 % 60 %

[1] « cohabitants » : définition différente à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie
[2] « cohabitants » : définition différente à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie

– Suppression du taux réduit pour la donation d’un logement : la réduction d’un tiers des droits de donation sur la 1ère tranche de 250.000 EUR serait supprimée. C’est une mesure anti-sociale : le but de cette réduction était d’aider des jeunes à devenir propriétaires de leur seul et unique logement.

Réduction des droits de succession : ceci concerne uniquement les entreprises familiales dont le taux passerait de 3% à 0%. À mes yeux, un taux de taxation de 3% n’est pas exagéré. Aucune proposition n’est faite, en revanche, quant aux taux actuels de droits de succession :
de 65% (frères et soeurs)
de 70% (neveux et nièces)
de 80% (autres personnes)
Il s’agit d’un record mondial qui serait maintenu !

– Suppression du précompte immobilier sur le matériel et outillage : cette réduction était nécessaire depuis la suppression en Flandre.

– Suppression de la taxe régionale (89 EUR) : avec cette suppression, c’est la seule taxe payée par les locataires qui est supprimée.

– Suppression de la déductibilité des dépenses d’entretien aux monuments classés : même si le montant concerné est faible, c’est un mauvais signal à l’égard des propriétaires qui subissent les contraintes de la commission des Monuments et Sites.

– Suppression de la déductibilité à l’IPP des dépenses faites pour économiser l’énergie : c’est un mauvais signal dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.

– Suppression de la déductibilité à l’IPP des dépenses faites pour sécuriser des biens : il s’agit d’une mesure justifiée car les propriétaires qui ont installé un système d’alarme n’ont pas besoin d’un coup de pouce fiscal.

En résumé, le Ministre veut augmenter le précompte immobilier de tous les propriétaires de 10 % pour réduire l’IPP des Bruxellois de 2 %.

Alors que la Belgique est déjà classée en 3ème position pour les pays qui taxent le plus l’immobilier en Europe, avec une taxation globale qui est le double de la moyenne européenne, le Ministre régional des finances tente de plonger encore plus profondément dans la poche des propriétaires.

De plus, certains petits propriétaires ayant de faibles revenus ne connaîtront que la hausse des impôts (immobiliers) sans pouvoir bénéficier d’un réduction.

[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Donnez votre avis