Mort, suicide et vices cachés : doit-on tout dévoiler lors de la vente d’un immeuble ?

Publié par , le 4 avril 2019 - ,

Poser la question, c’est susciter le débat…

Tout d’abord, rappelons que l’agent immobilier est tout à la fois tenu à une obligation d’information et à une obligation de discrétion !

Le devoir de conseil est une construction jurisprudentielle qui impose des obligations au professionnel, et qui va au-delà de ce qui est écrit dans le contrat ou la loi, afin de protéger le consommateur.

Autrement dit, le professionnel doit suppléer par ses conseils à l’inexpérience des clients ; il doit influer positivement sur le comportement des clients dans le sens de leur intérêt.

L’Agent Immobilier doit, constamment, jongler entre son devoir de discrétion et son obligation d’informer les tiers des éléments qui concernent le bien.

Le propriétaire indélicat ne pourra, jamais, reprocher à l’agent immobilier une quelconque violation de son devoir de discrétion au motif que ce dernier aurait révélé aux candidats acquéreurs une information déterminante sur l’immeuble (exemple : une irrégularité urbanistique), information que le vendeur connaissait et qu’il ne souhaitait pas voir révélée…

De manière générale, l’agent ne pourra jamais fournir d’informations erronées en invoquant l’existence de son devoir de discrétion.

Par contre, pour ce qui est des considérations d’ordre privé et/ou totalement personnelles, l’agent immobilier ne peut les révéler que pour autant qu’il ait été expressément déchargé de son devoir de discrétion par la personne concernée…

Pourrait-on, en conséquence, mettre en cause la responsabilité d’un agent immobilier au motif de ne pas avoir révélé un événement morbide sur base de son obligation d’information ou l’en exonérer sur base de son devoir de discrétion ?

Un mythe souvent entendu au sujet des vices cachés est que lorsqu’un décès est survenu dans un immeuble, le vendeur et/ou son agent immobilier doit obligatoirement le déclarer aux futurs acheteurs, tout particulièrement s’il s’agit d’une mort violente ou d’un suicide.

La question n’est pas aussi simple que le laisse entendre cette affirmation.

Au sens du Code civil, une mort tragique non révélée lors de la vente d’une maison n’est pas un vice caché, car il ne rend pas l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné ou n’en diminue pas l’usage. Cet événement tragique n’affecte, à priori, pas la qualité de l’immeuble. À mon sens, il s’agit d’un obstacle subjectif à l’acquisition d’une propriété.

Serait-il possible que le fait d’être psychologiquement incapable de vivre dans l’immeuble soit considéré comme nuisant suffisamment à l’usage qu’on s’attend d’un immeuble pour que le décès soit jugé comme étant un vice caché ?

Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas l’angle sous lequel le problème a été jugé par la jurisprudence étrangère jusqu’à maintenant.

Si ce n’est pas un «vice caché », ce serait donc un manquement à l’obligation d’information ?

Le principe juridique désignant le fait de réaliser une déclaration fausse ou trompeuse ou encore de taire volontairement un élément important s’assimile à du dol, lequel constitue indéniablement un manquement à l’obligation d’information.

Pour que le dol soit établi, il est nécessaire de prouver l’intention « malveillante»… or le caractère malveillant peut difficilement s’apprécier face à une considération subjective et/ou psychologique…

En l’absence d’intention malveillante l’obligation d’information ne se suffit-elle pas à elle-même pour justifier le reproche de l’acheteur….

Mais cette obligation connaît une double limite :
– L’obligation de se renseigner des acheteurs qui, s’ils ont des préférences, doivent les demander ou rechercher l’information. Il est souvent impossible de dire avec précision si un évènement tragique survenu dans l’immeuble est objectivement ou subjectivement important et ainsi déterminer si c’est le vendeur/l’agent immobilier qui n’a pas respecté son obligation d’information ou si c’est l’acheteur qui a été négligent dans son obligation de se renseigner.
– Le devoir de discrétion : en effet, un événement tragique, qui n’affecte pas la qualité de l’immeuble, relève, le plus souvent, de la sphère privée à propos de laquelle l’agent immobilier n’est pas autorisé à révéler quoi que ce soit à moins d’avoir obtenu l’autorisation de son client sur ce point…

À mon sens, et en l’état actuel des choses et des dispositions réglementaires, il n’est pas obligatoire pour l’agent immobilier de dévoiler la survenance d’événements tragiques survenus dans l’immeuble, sauf s’il y a été formellement autorisé.
Cependant, en présence d’une question précise à ce sujet posée par l’acheteur directement au propriétaire, ce dernier ne pourra, à mon estime, se soustraire à l’obligation de répondre.

C’est le début … de la fin du débat …

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