Le droit de préférence du locataire bruxellois : un « clair-obscur » ?

Publié par , le 5 mars 2024 - , ,
PARTIE 1 : la domiciliation… ou comment créer une obligation sur une incertitude !
Depuis ce 06 janvier 2024, le locataire bruxellois dont l’immeuble est mis en vente, bénéficie, sous réserve de certaines conditions, d’un droit de préférence pour acquérir ledit immeuble.
Si permettre la stabilité d’une situation domiciliaire est, bien évidemment, louable, l’envisager en négligeant les possibilités d’accéder au financement pour l’appliquer risque fort de faire de cette mesure une contrainte plutôt qu’un incitant…
A la lecture du texte, la contrainte m’apparaît d’autant plus forte.
En effet, ce dernier génère, des incertitudes, des « formalités » et des « impasses » pour toutes les parties concernées !
Allons (un peu) plus loin…
L’article 247/1 dispose « En cas de mise en vente d’un logement qui fait l’objet d’un bail de résidence principale, le preneur dispose d’un droit de préférence, à la condition qu’il soit domicilié dans ledit logement (…) »
Si la mise en vente du bien est intervenue, preuve à l’appui, AVANT le 06 janvier 2024, l’une des conditions qui devaient être réunies à cette date manque à l’appel et le locataire ne bénéficie donc pas du droit de préférence… Je pense que, sur ce point, les choses sont claires (même si l’article 247/2 pourrait semer une certaine confusion…)
Par contre, il ressort clairement du texte que le locataire doit être domicilié dans le logement !
Question simple : Comment le bailleur, à qui on imposera d’envoyer une offre de vente, peut-il savoir sans contestation possible, que le locataire est bien domicilié dans les lieux ?
Vous me répondrez que le locataire titulaire d’un bail de résidence principale est automatiquement domicilié dans les lieux !
Cette affirmation est une erreur fréquemment commise (à laquelle le législateur bruxellois semble ne pas avoir échappé…)
En effet, le fait que le locataire ne soit pas domicilié dans les lieux loués n’empêche pas qu’il puisse revendiquer la protection des dispositions règlementaires sur le bail de résidence principale !
L’affectation d’un logement à la résidence principale ne se décrète pas mais résulte d’un faisceau d’éléments concordants.
Les dispositions légales régionales n’ont pas défini clairement la notion de « résidence principale », et laissent donc aux tribunaux le soin de la préciser.
Il s’agit de l’endroit où le locataire et, éventuellement, sa famille demeurent le plus souvent. Ce n’est donc pas nécessairement l’endroit où il est inscrit dans les registres de la population.
On parle d’ailleurs de bail de RESIDENCE PRINCIPALE et non pas de bail de DOMICILE PRINCIPAL (le premier est une notion factuelle, le second une notion administrative…. Et ces notions ne sont pas indissociablement liées)
En cas de doute, les tribunaux se basent sur divers indices pour déterminer s’il s’agit bien de la résidence principale du locataire : par exemple, les notes de consommation d’eau, les factures de téléphone, le raccordement à la télédistribution, les renseignements émanant des services de police, l’inscription des enfants dans une école proche, …
En clair, le fait que le bailleur ait consenti au locataire un contrat de bail de résidence principale n’entraîne, en aucune façon, une obligation pour le locataire de se domicilier dans ledit bien et, même si cette obligation a été prévue, rien ne permet au bailleur de vérifier si oui ou non cette domiciliation est avérée…
Il est donc imposé au bailleur, démuni d’outils d’information, de faire une « offre de vente » à un locataire dont il n’a pas la certitude qu’il réunit toutes les conditions du droit de préférence… Le texte du code bruxellois reste (étonnamment ?) muet sur ce point…
Cela est d’autant plus étonnant que le locataire doit faire la preuve de sa domiciliation (antérieure à l’offre de vente) dans sa réponse….
Donc, le code impose au bailleur une obligation qui va ralentir la processus de vente (le locataire dispose de 30 jours à dater de la réception du recommandé avec accusé de réception) et qui, à terme, peut aboutir à la conclusion que ladite obligation ne devait pas être réalisée à défaut pour le locataire d’avoir rempli la condition de domiciliation…
C’est le même principe que de sauter d’un avion et de vérifier, ensuite, si vous avez un parachute….
Mais, comme semble le penser le législateur bruxellois, tant que le sol n’est pas atteint…. Tout va bien 😊
La PARTIE 2 sera consacrée aux délais, aux documents et à la… renonciation…
Illustration: Depositphotos

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