Cannabis et location… des intérêts contradictoires ?

Fume, c'est du belge
Publié par , le 8 avril 2021 - , ,
Un reportage récent d’une chaîne belge bien connue… amène à la question suivante : la culture de plants de cannabis par le locataire autorise-t-elle le bailleur à casser le bail ?

Il convient tout d’abord de rappeler que le cannabis est interdit en Belgique et cette législation, certes contestée (datant de 1921), est toujours en vigueur.

Si d’autres textes législatifs ont donné un statut différent au cannabis par rapport aux autres drogues, la législation reste floue et sujette à des interprétations…

En résumé, le principe est : détenir ou cultiver du cannabis est une infraction punissable d’une amende ou d’un emprisonnement. Mais dans la pratique, celui ou celle qui a plus de 18 ans et qui détient du cannabis « pour son usage personnel » ne sera vraisemblablement pas poursuivi, sauf si cette détention s’accompagne de circonstances aggravantes ou de troubles à l’ordre public. La quantité maximum considérée pour un usage personnel est de 3 grammes (sur soi) ou une plante cultivée (à son domicile).

Les circonstances aggravantes sont :

  • Détention de cannabis dans une prison ou une institution de protection de la jeunesse
  • Détention de cannabis dans une école ou près d’un établissement scolaire
  • Détention ostentatoire de cannabis dans un lieu public ou en présence de mineurs.

Un mineur ne peut ni détenir, ni consommer du cannabis, quelles que soient les quantités et les circonstances.

Quelles sont les sanctions ?

  • Amende de 15 à 25 euros lors de la première infraction
  • Amende de 26 à 50 euros en cas de récidive dans l’année
  • Emprisonnement de 8 jours à un mois et amende de 50 à 100 euros en cas de nouvelle récidive dans l’année de la deuxième condamnation.

Donc, la culture est prohibée…. La réaliser dans l’immeuble loué justifie-t-elle la résolution du bail ?

Et bien, au départ… la réponse est négative….

En effet, en matière de bail, le bailleur ne peut se prévaloir de griefs personnels, sans rapport direct avec la convention pour en obtenir la résolution ! (voy. Vankerchove, J.T., 1988, p. 329 et suivantes, n° 25 ; en matière de bail, voy. Cass., 19 mars 1981, Pas., I, 854 ; voy. aussi Cass., 19 mars 1982, Pas., I, 864, selon lequel, si un fait illicite du preneur, étranger à ses obligations contractuelles, peut justifier une demande de retrait de prorogation, un tel fait est étranger à la résolution)

Cela vaut même si le comportement du preneur lui a valu une condamnation pénale.

En clair, les faits illégaux que le propriétaire et/ou les autorités reprochent (légitimement) à un locataire sont étrangers aux obligations souscrites par ce dernier dans le contrat (il paie son loyer, il entretient…) et ne peuvent donc servir de support à une demande de résolution judiciaire dudit contrat…

Mais… il ne faut pas oublier que le locataire se doit d’user paisiblement des lieux loués et d’en respecter la destination. La notion d’usage paisible (en bon père de famille) interdit au locataire tout comportement susceptible de générer des dégâts à l’immeuble, de causer un trouble ou une gêne excessive aux autres occupants de l’immeuble ou au voisinage, ce qui peut être le cas à l’occasion….d’une plantation illégale.

En tout état de cause, c’est le juge qui appréciera souverainement si le comportement du locataire est de nature à justifier la résolution du bail….

 

Comments are closed here.