Flandre: du neuf en matière de donations ?

Publié par , le 25 mai 2016 - , ,

Du fait de la réécriture du Code flamand de la fiscalité, l’administration a pris deux positions nouvelles qui sont défavorables aux contribuables :

– Une position qui remet en cause certaines donations devant notaire étranger (Pays-Bas ou Suisse par exemple) ou non enregistrées ;
– Une position qui remet en cause certains droits de retour en cas de prédécès du donataire ;

Olivier de Clippele propose de passer en revue ces deux problématiques qui ne concernent actuellement que les contribuables domiciliés en Flandre, mais on sait que la pluie nous vient souvent par la côte…

Lors de la période des titres au porteur (actions, obligations, bons de caisse, sicavs, etc.), les donations se faisaient souvent à titre de « don manuel », c’est-à-dire par la remise des instruments financiers ou par la remise des billets de banque.

Ce don manuel était souvent accompagné d’une lettre recommandée afin de lui donner une date certaine opposable à l’administration des successions pour éviter une reprise fiscale pour le cas où le donateur venait à décéder dans les 3 ans de la donation.

La loi du 14 décembre 2005 a supprimé les titres au porteur, ce qui a eu une forte influence sur les habitudes des épargnants.

C’est pour cette raison que de nombreux donateurs ont choisi de faire une donation par transfert de titres d’un compte à l’autre accompagné d’un « pacte adjoint ».
L’administration admet la date du transfert, comme faisant courir le délai de reprise fiscale de 3 ans, mais là où l’administration (flamande) commence à faire des difficultés, c’est le cas où les parties ont prévu une réserve d’usufruit dans ce pacte adjoint.

Dans un avis récent, l’administration flamande considère que les donations avec réserve d’usufruit qui n’ont pas été soumises aux droits de donation en Belgique restent taxables au décès du donateur, même si le décès intervient plus de trois ans après la donation.

Concrètement, la donation effectuée – même plus de trois ans avant le décès – retourne à la masse successorale taxable dès lors que le donateur s’était réservé un droit d’usufruit et que les droits de donation n’avaient pas été payés en Belgique.

Toutes les donations ne doivent pas être enregistrées

La loi n’impose pas de procéder à l’enregistrement des donations mobilières. Cet enregistrement est facultatif.

Pour les donations immobilières par contre, la loi impose l’enregistrement en Belgique. Comme il n’est techniquement pas possible de donner un immeuble au moyen d’un don manuel, toutes les donations immobilières se font devant notaire belge.

Pour rappel, voici les tarifs des droits de donations en Belgique :

TAUX DES DONATIONS MOBILIÈRES (ACTIFS FINANCIERS ET OBJETS D’ART)
Bruxelles Flandre Wallonie
Ligne directe
ligne indirecte
3 %
7 %
3 %
7 %
3,3 %
5,5 % – 7,7 %

TARIF DES DROITS DE DONATIONS IMMOBILIÈRES :

BRUXELLES: droits de donations immobilières

Nouveau tarif
Ligne directe jusqu’à 150.000 3 %
Ligne directe de 150.000 à 250.000 9 %
Ligne directe de 250.000 à 450.000 18 %
Ligne directe au-delà de 450.000 27 %
Nouveau tarif
Ligne collatérale jusqu’à 150.000 10 %
Ligne collatérale de 150.000 à 250.000 20 %
Ligne collatérale de 250.000 à 450.000 30 %
Ligne collatérale au-delà de 450.000 40 %
FLANDRE: droits de donations immobilières
Nouveau tarif Nouveau tarif préférentiel
Ligne directe jusqu’à 150.000 3 % 3 %
Ligne directe de 150.000 à 250.000 9 % 6 %
Ligne directe de 250.000 à 450.000 18 % 12 %
Ligne directe au-delà de 450.000 27 % 18 %
Nouveau tarif Nouveau tarif préférentiel
Ligne collatérale jusqu’à 150.000 10 % 9 %
Ligne collatérale de 150.000 à 250.000 20 % 17 %
Ligne collatérale de 250.000 à 450.000 30 % 24 %
Ligne collatérale au-delà de 450.000 40 % 31 %
WALLONIE : droits de donation immobilières

Ligne directe, époux/cohabitants Frère ou sœur Oncle ou tante Autres
0 à 12.500 3 % 20 % 25 % 30 %
12.500 à 25.000 4 % 25 % 30 % 35 %
25.000 à 50.000 5 % 35 % 40 % 60 %
50.000 à 100.000 7 % 35-50 % 40-55 % 60-80 %
100.000 à 150.000 10 % 50 % 55 % 80 %
150.000 à 200.000 14 % 65 % 70 % 80 %
200.000 à 250.000 18 % 65 % 70 % 80 %
250.000 à 500.000 24 % 65 % 70 % 80 %
500.000 et + 30 % 65 % 70 % 80 %

Qui est visé par la nouvelle attitude administrative ?

Au départ, l’administration voulait faire revenir dans la masse taxable toutes les donations effectuées avec réserve d’usufruit, même celles que la loi n’impose pas.

Ainsi, une donation avec réserve d’usufruit effectuée en toute légalité en 2010 par exemple devrait, selon la nouvelle thèse de l’administration flamande, revenir dans la succession si elle n’avait pas été taxée en Belgique.

Devant les nombreuses protestations, l’administration flamande est revenue sur cette position initiale, en déclarant que seules les donations effectuées à compter du 1er juin 2016 seraient dorénavant soumises à cette reprise fiscale, celles qui ont été réalisées avant cette date restant soumises à l’ancienne position qui avait prévalu durant des décennies, à savoir que la date du transfert bancaire ou de la lettre recommandée valait date certaine et que si plus de trois ans s’étaient écoulés entre cette date et le décès, ces donations ne devaient plus être rapportées.

En résumé, l’ancienne position de l’administration des finances reste valable pour toutes les donations dont le transfert est intervenu avant le 1er juin 2016, la nouvelle position n’étant d’application que pour les donations effectuées après cette date.

L’administration peut-elle modifier la loi ?

Il est fort probable que ce revirement administratif fasse l’objet de nombreux recours.

L’administration semble ici suivre une voie proposée par le précédent Secrétaire d’État à la lutte contre la fraude fiscale, John Crombez, qui avait estimé que les donations avec réserve d’usufruit constituait un abus fiscal. L’administration oublie toutefois que le Secrétaire d’État n’avait pas été suivi au parlement et qu’il avait été obligé de revenir sur ses déclarations.

Il sera très intéressant de voir comment les cours et tribunaux apprécieront la nouvelle position de l’administration flamande, mais je ne serais pas étonné d’apprendre que, faute de changement législatif qui prohiberait les donations non enregistrées devant notaire belge, l’ancienne technique fort utilisée du « don manuel » soit confirmée, en ce compris les donations effectuées par virement bancaire.

Pour ce qui est des donations effectuées devant notaire étranger, les contribuables devront pouvoir expliquer que le recours à un notaire étranger avait un autre objectif que l’évitement de l’impôt des donations depuis l’entrée en vigueur de la loi anti-abus de droit le 1er juin 2012.

Ce sera le cas notamment des donations effectuées devant notaire suisse, qui pourraient être remises en cause sur base de la loi anti-abus de droit si le contribuable ne parvient pas à démontrer qu’il avait une raison de se rendre chez un notaire suisse, autre que fiscale, comme par exemple, à la suite d’un accident de ski qui l’a immobilisé en Suisse.

Contrairement aux donations effectuées en dehors de l’Union Européenne – comme c’est le cas de la Suisse, j’estime que les donations effectuées devant un notaire hollandais par exemple ne tombent pas sous l’application de la loi anti-abus de droit car le droit européen impose l’équivalence des actes notariés dans toute l’Union Européenne.

En tout état de cause, si ces donations mobilières passées devant un notaire étranger ne prévoient pas de réserve d’usufruit ou de droit viager analogue, le délai ordinaire de trois ans de forclusion fiscale doit toujours prévaloir.

Droit de retour optionnel

Le second revirement de l’administration flamande concerne le droit de retour des donations – mobilières ou immobilières – lorsque le bénéficiaire vient à décéder avant le donateur.

Ce droit de retour est gratuit car il s’agit d’une condition résolutoire prévue dans le Code civil.

L’acte de donation doit toutefois le prévoir expressément, soit que le donataire prédécède sans descendance soit même dans le cas où le donataire prédécède avec descendance.

De très nombreux actes ont laissé le choix au donateur d’exercer ou de ne pas exercer son droit de retour.

L’administration flamande trouve, assez étonnamment, que cela ne va plus.

Elle estime que, pour être gratuite, la condition résolutoire doit être automatique et ne pas dépendre de la décision du donateur.

Il s’agit d’une position fort « spépieuse » car la distinction entre une condition résolutoire de plein droit à première demande ou une condition résolutoire de plein droit identique – mais tacite – repose sur une interprétation très poussée du droit. Qu’en dira la jurisprudence…. affaire à suivre!

En attendant, je vous conseille d’adapter ces clauses de droit de retour de la manière suivante en la rendant automatique en cas de prédécès du bénéficiaire de la donation sans descendance et en la rendant optionnelle si le bénéficiaire décède avec descendance. C’est généralement ce que souhaitent les donateurs, avec la précision que le dernier aspect (droit de retour en cas de prédécès avec descendance) est d’ailleurs généralement supprimé dans les actes de donation lorsque que les enfants ont eux-mêmes des enfants majeurs.

« Droit de retour. Pour le cas où l’un des donataires venait à décéder sans descendance en vie avant le donateur, le donateur bénéficiera du droit de retour de la part des biens que le donataire décédé sans descendance en vie a reçu, ou les avoirs qui ont remplacé ces biens, conformément à l’article 951 du Code civil belge, ainsi que pour le cas encore, où les enfants ou descendants du donataire décédé viendraient eux-mêmes à décéder sans postérité avant le donateur, quelle que soit l’origine de la filiation. »

« En outre, pour le cas où l’un des donataires venait à décéder avec descendance en vie avant le donateur, le donateur se réserve dans ce cas la possibilité de solliciter le droit de retour de la part des biens que le donataire a reçu, ou les avoirs qui ont remplacé ces biens, conformément à l’article 951 du Code civil belge, ainsi que pour le cas encore, où les enfants ou descendants du donataire décédé viendraient eux-mêmes à décéder avec postérité avant le donateur, quelle que soit l’origine de la filiation. »

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