La taxe sur les immeubles inoccupés

De nombreux contribuables belges ont investi dans une maison dans laquelle il y a des travaux à effectuer.

Soit par manque de moyens, soit par envie d’occuper le temps libre, de nombreux propriétaires ont décidé d’effectuer les travaux eux-mêmes.

Ainsi, entre le temps de l’acquisition et de la location ou de l’occupation, il s’écoule un certain délai.

Plusieurs communes bruxelloises ou wallonnes ont adopté une taxe sur les immeubles bâtis inoccupés. Le montant de ces taxes peut être élevé. Certaines communes ont adapté un taux de 180€ par mètre courant de façade et par niveau…

Au travers de ces quelques lignes, nous allons rappeler les principes en la matière.

Fondement constitutionnel 

Une commune peut-elle taxer les chiens avec un chapeau ? La Constitution belge le permet en effet.

Ainsi, l’article 170 de la Constitution dispose que : « 4. Aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l’agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil. La loi détermine, relativement aux impositions visées à l’alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée. »

Pouvoir des communes de lever une taxe

Il résulte de cette disposition que ces autorités peuvent lever des impôts afin de pourvoir aux intérêts dont elles ont la charge.

La compétence des communes apparaît donc directe (une loi n’est pas nécessaire pour la mise en œuvre de cette compétence), générale (les communes sont compétentes pour définir l’ensemble du régime juridique des impôts communaux. Elles déterminent librement les contribuables, les faits générateurs, les bases imposables, l’assiette de l’impôt…), autonome et, a priori, illimitée, en ce sens qu’aucun lien direct entre les compétences matérielles et le pouvoir de taxation n’est nécessaire.

Elles peuvent ainsi instituer des perceptions sur des biens dont l’assiette ne relève pas de leur compétence. 

Respect de certaines règles

Sans entrer dans l’analyse de tous les arguments juridiques de tels règlements-taxes comme la publication du règlement, l’application de la taxation d’office, les pouvoirs d’investigation de la commune, le calcul de la taxe …l’autorité communale doit respecter certains principes comme celui de la motivation.

En effet, ces règlements-taxes exonèrent les biens abandonnés appartenant à l’Etat, les régions, les communautés et autres autorités publiques.

Parfois, cette différence de traitement est justifiée. Parfois, elle ne l’est pas. Or, la différence de traitement doit toujours être justifiée. 

Le principe de motivation matérielle implique que toute décision administrative doit, même dans l’exercice d’un pouvoir d’appréciation aussi large soit-il, être fondée sur des motifs de fait et de droit objectivement admissibles et qui se dégagent, soit de la décision elle-même, soit du dossier administratif.

La règle de l’égalité des Belges devant la loi contenue dans l’article 10 de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges inscrite dans l’article 11 de la Constitution ainsi que celle de l’égalité devant l’impôt exprimée dans l’article 172 de la Constitution impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière. Cela n’exclut pas qu’une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable.

Une justification objective et raisonnable n’implique pas que l’autorité faisant une distinction entre des contribuables doive apporter la preuve que la distinction ou l’absence de distinction aurait nécessairement des effets déterminés. L’apparence raisonnable de l’existence ou de l’éventuelle existence d’une justification objective de ces catégories suffit à établir, si leur instauration est objective et raisonnable.

L’existence d’une telle justification doit s’apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise ou de l’impôt instauré. Le principe d’égalité est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

S’il n’est pas requis que la justification ressorte immédiatement du seul règlement, encore faut-il que l’objectif pouvant raisonnablement justifier la différence de traitement qui en découle apparaisse du dossier constitué au cours de son élaboration ou puisse être déduit du dossier administratif constitué par son auteur.

Il incombe à l’autorité communale de fonder ses règlements sur des motifs exacts, adéquats et pertinents, qui doivent résulter du dossier constitué au cours de l’élaboration de ce règlement. Les explications données par l’autorité locale dans ses écrits de procédure ne peuvent suppléer à la carence du dossier. Dans ce cas, il est impossible aux juridictions administratives et judiciaires d’examiner la compatibilité du règlement avec les articles 10 et 172 de la Constitution.

Les juridictions saisies d’une contestation de la régularité du règlement doivent être en mesure, sur la base de ces motifs, d’exercer le contrôle de légalité qui leur incombe.

À partir du moment où la commune décide d’autorité de créer des distinctions entre citoyens, notamment en établissant des taux d’imposition différents selon des catégories de contribuables, ou en prévoyant des catégories de personnes exonérées, elle doit impérativement justifier, sur la base de considérations objectives, pertinentes et raisonnables le choix effectué en tenant compte du but poursuivi par le règlement et des effets de celui-ci.

L’examen de comparabilité ne concerne que le règlement-taxe lui-même et non son application. Pour invoquer la nullité d’une taxe, la discrimination doit être juridique, c’est-à-dire que la différence de traitement invoquée doit trouver sa source dans le texte du règlement-taxe et non dans la manière dont celui-ci est appliqué.

Que faire si vous recevez un avertissement-extrait de rôle ?

La procédure de contestation d’une taxe locale impose au contribuable un recours administratif préalable auprès du collège des Bourgmestre et Echevins ou du collège communal.

Le recours devant l’autorité locale compétente est prescrit à peine de déchéance. En effet, si le contribuable n’a pas exercé de recours administratif devant cette autorité, il ne sera pas admis à entamer de recours devant les cours et tribunaux.

Le recours administratif est donc un préalable obligatoire à l’intentement des actions devant les juridictions judiciaires.

La Cour de cassation a, dans un arrêt du 30 mai 2008, consacré ce principe de recours administratif préalable : « Il se déduit de l’article 1385undecies, alinéa 1er, du Code judiciaire et des articles 9 et 10 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l’établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales, que le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi, au sens de l’article 1385undecies précité, est, en matière de taxes communales, la réclamation formée contre la taxe enrôlée au nom du redevable devant le collège communal et que seul un tel recours constitue le préalable qui rend admissible l’action portée devant le tribunal de première instance. 

Justifie légalement sa décision que la demande de dégrèvement d’une taxe communale est irrecevable au regard de l’article 1385undecies du Code judiciaire, le juge qui constate que cette demande est formulée pour la première fois devant le juge et que la réclamation introduite par le contribuable ne tendait pas à l’annulation ou au dégrèvement de la taxe, mais à l’annulation du règlement-taxe lui-même adopté par le conseil communal, ce qui avait conduit le collège à se déclarer incompétent pour connaître de cette réclamation ».

Le recours administratif doit être introduit dans un délai de trois mois à dater de l’envoi de l’avertissement-extrait de rôle. Cette disposition impose par ailleurs à l’administration locale de mentionner le délai dans lequel le contribuable doit exercer son recours.

Le délai de trois mois vaut également pour la région flamande. En région wallonne, le délai de trois mois est porté à six mois.

En conclusion 

Les communes peuvent taxer les chiens avec les chapeaux, mais elles doivent expliquer la raison de cette taxation.

Si une différence de traitement existe, comme ne pas taxer les chats avec les chapeaux, la commune doit avoir une raison objective de le faire.

 

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