La taxation des plus-values immobilières (partie 2)

Publié par , le 27 octobre 2020 - , ,

(voir partie 1: taxation des plus-values immobilières pour les terrains non bâtis en Belgique)

B.- Plus-values immobilières – Terrains bâtis situés en Belgique

  1. Siège de la matière

L’article 90, 10°, du CIR/92 envisage la taxation des plus-values immobilières des terrains bâtis situés en Belgique en ces termes : « les plus-values réalisées à l’occasion d’une cession à titre onéreux, sur des immeubles bâtis situés en Belgique ou sur des droits réels autres qu’un droit d’emphytéose ou de superficie ou qu’un droit immobilier similaire portant sur ces immeubles, pour autant qu’il s’agisse :

  1. a) de biens bâtis qui ont été acquis à titre onéreux et qui sont aliénés dans les cinq ans de la date d’acquisition ;
  2. b) de biens bâtis qui ont été acquis par voie de donation entre vifs et qui sont aliénés dans les trois ans de l’acte de donation et dans les cinq ans de la date d’acquisition à titre onéreux par le donateur ;
  3. c) de biens non bâtis qui ont été acquis à titre onéreux ou par voie de donation entre vifs, sur lesquels un bâtiment a été érigé par le contribuable, dont la construction a débuté dans les cinq ans de l’acquisition du terrain à titre onéreux par le contribuable ou par le donateur et pour autant que l’ensemble ait été aliéné dans les cinq ans de la date de la première occupation ou location de l’immeuble.

Par date d’acquisition ou d’aliénation, on entend :

– la date de l’acte authentique de l’acquisition ou de l’aliénation ;

– ou, à défaut d’acte authentique, la date à laquelle tout autre acte ou écrit constatant l’acquisition ou l’aliénation a été soumis à la formalité d’enregistrement ».

Le lecteur sera rassuré de savoir que la maison d’habitation vendue avec une plus-value ne sera pas taxée si elle a été l’habitation propre du contribuable pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois qui précède le mois au cours duquel la vente a lieu.

6ème hypothèse – article 90, 10°, a du CIR/92

Un immeuble bâti est acheté, pour un prix de 100.000 €, le 25 octobre 2016. Il est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 26 octobre 2021. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que plus de 5 ans se sont écoulés entre l’achat de l’immeuble et la vente de cet immeuble, la plus-value de 100.000 € ne sera pas taxée.

7ème hypothèse – article 90, 10°, a, du CIR/92

Un immeuble bâti est acheté, pour un prix de 100.000 €, le 25 octobre 2016. Il est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 26 octobre 2020. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que moins de 5 ans se sont écoulés entre l’achat de l’immeuble bâti et la vente de ce même immeuble, la plus-value de 100.000 € sera taxée.

Le taux d’imposition de la plus-value est de 16,5 % (Article 171, 4°, e, du CIR/92).

8ème hypothèse– article 90, 10°, b, du CIR/92

Un immeuble bâti est acheté, par l’oncle André de Monsieur X, pour un prix de 100.000 €, le 25 octobre 2016. L’oncle André fait donation de cet immeuble le 20 octobre 2018. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2022. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que plus de 3 ans se sont écoulés entre la donation et la vente de l’immeuble, la plus-value de 100.000 € ne sera pas taxée.

9ème hypothèse– article 90, 10°, b, du CIR/92

Un immeuble bâti est acheté, par l’oncle André de Monsieur X, pour un prix de 100.000 €, le 25 octobre 2016. L’oncle André fait donation de cet immeuble le 20 octobre 2020. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2023. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que plus de 5 ans se sont écoulés entre l’achat de l’immeuble bâti et la vente de cet immeuble, la plus-value de 100.000 € ne sera pas taxée.

10ème hypothèse– article 90, 10°, b, du CIR/92

Un immeuble bâti est acheté, par l’oncle André de Monsieur X, pour un prix de 100.000 €, le 25 octobre 2016. L’oncle André fait donation de cet immeuble le 20 octobre 2017. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2019. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que moins de 3 ans se sont écoulés entre la donation et la vente ET que moins de 5 ans se sont écoulés entre l’achat et la vente, la plus-value de 100.000 € sera taxée.

Le taux d’imposition de la plus-value est de 16,5 %.

11ème hypothèse– article 90, 10°, c, du CIR/92

Un terrain est acheté, pour un prix de 100.000 €, le 25 octobre 2016. L’acheteur construit un immeuble sur ce terrain et occupe l’immeuble le 20 octobre 2018. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2024. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que plus de 5 ans se sont écoulés entre la première occupation et la vente, la plus-value de 100.000 € ne sera pas taxée.

12ème hypothèse– article 90, 10°, c, du CIR/92

Un terrain est donné le 25 octobre 2016. La donation immobilière est estimée à 100.000 €. Le donataire construit un immeuble sur ce terrain et occupe l’immeuble le 20 octobre 2018. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2024. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que plus de 5 ans se sont écoulés entre la première occupation et la vente, la plus-value de 100.000 € ne sera pas taxée.

13ème hypothèse– article 90, 10°, c, du CIR/92

Un terrain est acheté pour un prix de 100.000 € le 25 octobre 2016. L’acheteur construit un immeuble sur ce terrain et occupe l’immeuble le 20 octobre 2022. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2024. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que plus de 5 ans se sont écoulés entre l’achat du terrain et la construction du terrain, la plus-value de 100.000 € ne sera pas taxée.

14ème hypothèse– article 90, 10°, c, du CIR/92

Un terrain est donné le 25 octobre 2016. La donation immobilière est estimée à 100.000 €. Le donataire construit un immeuble sur ce terrain et occupe l’immeuble le 20 octobre 2022. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2024. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que plus de 5 ans se sont écoulés entre la donation et la construction de l’immeuble, la plus-value de 100.000 € ne sera pas taxée.

15ème hypothèse– article 90, 10°, c, du CIR/92

Un terrain est acheté pour un prix de 100.000 € le 25 octobre 2016. L’acheteur construit un immeuble sur ce terrain et occupe l’immeuble le 20 octobre 2018. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2022. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que moins de 5 ans se sont écoulés entre l’achat du terrain et la construction, mais également entre la première occupation et la vente, la plus-value de 100.000 € sera taxée. 

Le taux d’imposition est de la plus-value 16,5 %.

Pour rappel, la maison d’habitation vendue avec une plus-value ne sera pas taxée si elle a été l’habitation propre du contribuable pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois qui précède le mois au cours duquel la vente a lieu.

Est notamment visée l’hypothèse de la construction d’un immeuble par le contribuable qui le met en location. L’immeuble sera donc occupé par un locataire.

16ème hypothèse– article 90, 10°, c, du CIR/92

Un terrain est donné le 25 octobre 2016. La donation immobilière est estimée à 100.000 €. Le donataire construit un immeuble sur ce terrain et occupe l’immeuble le 20 octobre 2018. L’immeuble est vendu, pour un prix de 200.000 €, le 5 avril 2024. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que plus de 5 ans se sont écoulés entre la première occupation et la vente, la plus-value de 100.000 € ne sera pas taxée.

17ème hypothèse– article 90, 10°, c, du CIR/92

Un terrain est donné le 25 octobre 2016. La donation immobilière est estimée à 100.000 €. Le donataire construit un immeuble sur ce terrain et occupe l’immeuble le 20 octobre 2018. L’immeuble est vendu, pour un prix de 400.000 €, le 5 avril 2022. La valeur du terrain est fixée à 200.000€. Le montant de la plus-value s’élève à 100.000 €.

Dès lors que moins de 5 ans se sont écoulés entre la donation du terrain et la construction, mais également entre la première occupation et la vente du bien, la plus-value de 100.000 € sera taxée.

Toutefois, seule la quotité du prix de vente afférente au terrain, soit, acquis à titre onéreux moins de cinq ans avant la revente de ce terrain construit, soit, du terrain reçu moins de cinq ans avant sa vente après construction est taxable, pour autant que ce terrain et la construction y érigée aient été « aliénés » (donc entre autres vendus) dans les cinq années de la première occupation de la construction par l’acquéreur ou le donataire. Il y a donc un double délai.

Il appartient au vendeur de veiller à la ventilation du prix entre le terrain et le bâti si l’immeuble construit était affecté à l’habitation effective du vendeur. L’hypothèse de semblable ventilation est évoquée au n° 90/41 du Com. I.R.

Le taux d’imposition de la plus-value est de 16,5 %.

Calcul de la plus-value

  1. Principe

Suivant l’article 101, § 2, du CIR/92 : « les plus-values visées à l’article 90, alinéa 1er, 10°, s’entendent de la différence entre les deux termes ci-après :

 1° le prix de cession du bien ou, si elle lui est supérieure, la valeur qui a servi de base à la perception du droit d’enregistrement ou de la TVA, ce prix ou cette valeur étant, le cas échéant, diminués des frais que le contribuable justifie avoir faits ou supportés en raison de l’aliénation du bien ;

 2° le prix d’acquisition du bien, majoré de 25 %, ou des frais d’acquisition ou de mutation réellement exposés lorsque ceux-ci sont supérieurs à 25 %, étant entendu que par prix d’acquisition, il faut entendre : 

  1. a) pour l’application de l’article 90, alinéa 1er, 10°, alinéa 1er, a : le prix pour lequel le bien a été acquis par le contribuable, ou, si elle lui est supérieure, la valeur qui a servi de base à la perception du droit d’enregistrement ou de la TVA ;
  1. b) pour l’application de l’article 90, alinéa 1er, 10°, alinéa 1er, b : le prix pour lequel le bien a été acquis par le donateur, ou, si elle lui est supérieure, la valeur qui a servi de base à la perception du droit d’enregistrement ou de la TVA ;
  1. c) pour l’application de l’article 90, alinéa 1er, 10°, alinéa 1er, c : le prix pour lequel le terrain a été acquis à titre onéreux par le contribuable ou par le donateur, ou, si elle lui est supérieure, la valeur qui a servi de base à la perception du droit d’enregistrement, augmenté du prix de la construction du bâtiment par le contribuable, qui a servi de base à la perception de la TVA.

Le prix d’acquisition ainsi majoré est augmenté de 5 % pour chaque année écoulée entre la date d’acquisition et la date de l’aliénation, étant entendu que dans le cas visé dans l’alinéa 1er, c, l’augmentation de 5 % s’applique, d’une part, sur le prix d’acquisition du terrain, par année écoulée entre la date d’acquisition du terrain à titre onéreux et la date d’aliénation de l’ensemble, et, d’autre part, sur le prix de la construction du bâtiment, par année écoulée entre la date de la première occupation ou location de l’immeuble et la date de l’aliénation de l’ensemble.

 Le prix d’acquisition ainsi déterminé est ensuite : 

  1. a) augmenté des frais de travaux supportés par le propriétaire et qui, pour autant que ces travaux soient effectués dans l’immeuble aliéné, entre la date d’acquisition, de première occupation ou location et la date d’aliénation, sont fournis et facturés à celui-ci
  1. b) diminué, le cas échéant, des indemnités perçues du chef de sinistres ayant frappé l’immeuble aliéné».

 

Illustration

  • Cas de la septième, dixième, quinzième et dix-septième hypothèse

Le 25/10/2016, Monsieur X acquiert, lors d’une vente publique, un immeuble bâti pour le prix de 100.000 € (frais non compris) et le vend le 20/10/2019 pour 200.000 €. Monsieur X ne justifie pas de frais d’acquisition ni d’impenses supérieurs au forfait de 25 %.

Calcul de la plus-value

Premier terme de la différence : Prix de vente : 200.000 €

Second terme de la différence : 137.500 € se décomposant comme suit :

– Prix d’acquisition :                                                                      100.000 €

– Frais d’acquisition et impenses (forfait de 25 %) :                 25.000 €

– Majoration 5 % – 125.000 € x 10 % (5 % × 2 ans) =               12.500 €

Montant imposable de la plus-value : 200.000 € – 137.500 € = 62.500 €

Taxation de la plus-value : 62.500 € × 16,5 %= 10.312,50 €

La plus-value de 62.500 € devra être déclarée au code 1171 (case XVI) de la déclaration fiscale

 

C.- Plus-values immobilières – Gestion anormale du patrimoine

  1. Siège de la matière

L’article 90, 10°, du CIR/92 envisage la taxation de la plus-value immobilière anormale, spéculative, celle que le bon père de famille ne fait pas : « sans préjudice des dispositions du 1° bis, 8° et 10°, les bénéfices ou profits, quelle que soit leur qualification, qui résultent, même occasionnellement ou fortuitement, de prestations, opérations ou spéculations quelconques ou de services rendus à des tiers, en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle, à l’exclusion des opérations de gestion normale d’un patrimoine privé consistant en biens immobiliers, valeurs de portefeuille et objets mobiliers ».

La spéculation au sens de l’article 90, 1°, du CIR/92, peut être définie comme un achat intentionnel en vue de revendre avec bénéfice dans un délai plus ou moins long, au risque de subir une perte, mais dans l’espoir de réaliser par la revente un bénéfice à la faveur de la hausse du prix du marché.

L’existence d’une spéculation ou d’une gestion anormale doit découler d’un ensemble de circonstances propres au cas d’espèce, laissées à l’appréciation souveraine du juge du fond, sans que l’on puisse décider in abstracto, par rapport à des critères généraux, si une opération constitue ou non une forme de gestion normale du patrimoine privé.

Le fait que les plus-values sur les biens immobiliers tombent sous le champ d’application de l’article 90, 8° ou 10°, CIR/92, n’empêche pas qu’elles puissent être imposées malgré tout comme bénéfices occasionnels sur la base de l’article 90, 1°, CIR/92.

Dans ce cas, le taux d’imposition est de 33 % (Article 171, 1°, a, du CIR/92).

Il s’agit d’une catégorie résiduaire. Toutes les hypothèses évoquées précédemment peuvent être taxables au sens de l’article 90, 1°, du CIR/92 si les conditions qui entourent cette plus-value sont particulières et sortent du cadre de la gestion normale du patrimoine. L’administration fiscale doit toutefois respecter les délais d’enrôlement.

  1. Calcul de la plus-value

Suivant l’article 97 du CIR/92, « Les revenus visés à l’article 90, alinéa 1er, 1°, s’entendent de leur montant net, c’est-à-dire de leur montant brut diminué des frais que le contribuable justifie avoir faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver ces revenus ».

Dès lors que la disposition fait l’objet d’un certain nombre de contestations en jurisprudence, nous n’illustrerons pas la méthode de calcul.

Aurélien Bortolotti

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