Baux et lieux communs à nuancer

Publié par , le 14 octobre 2016 - ,

Dans le cadre de baux de résidence principale, les 5 affirmations péremptoires fréquentes (« la mort met fin au bail », « le défaut de paiement résilie le bail », « la garantie locative est obligatoire », « interdire un animal est interdit », « le loyer peut être augmenté en cas de changement de locataire ») doivent être nuancées.

À défaut du paiement de deux échéances consécutives, le bail est considéré résolu « automatiquement » aux torts du locataire…

Ce n’est pas exact !

C’est une « clause résolutoire expresse » dans le contrat de bail qui prévoit que le contrat prendra fin automatiquement dans le cas où l’une des deux parties ne respecte pas ses obligations et les manquements sont avérés… le contrat est-il réellement rompu ?

De telles clauses peuvent être invoquées MAIS elles n’ont aucun effet sans avoir été « validées » par un magistrat. En cas de faute commise par l’une des parties, seul le juge peut prononcer la résolution du contrat.

Retenez : « Le juge qui doit se prononcer sur la demande de résolution d’un contrat synallagmatique est tenu d’examiner l’étendue et la portée des engagements pris par les parties et, à la lumière des circonstances de fait, d’apprécier si le manquement invoqué est suffisamment sérieux pour prononcer la résolution »

La mort met fin au bail…

Ce n’est pas le cas…

C’est l’application stricte de l’article 1742 du Code civil qui précise : « Le contrat de louage n’est point résolu par la mort du bailleur, ni par celle du preneur »

Cette disposition n’est ni d’ordre public, ni impérative, et il est donc tout à fait possible de prévoir le contraire dans le contrat de bail, avec une clause du type :

« En cas de décès du locataire, ses héritiers ou autres ayants droit pourront mettre fin au bail en respectant un préavis de x mois, qui devra être notifié au plus tard dans le mois qui suit la date du décès »,

ou « En cas de décès du locataire et à défaut de reprise des obligations de ce dernier par ses héritiers, ayants-droit ou une personne agréée par le bailleur dans un délai d’un mois (ou deux) après le décès, le bail prendra automatiquement fin »

Si un tel préavis n’est pas adressé, les héritiers devront supporter le paiement du loyer, des charges et les obligations d’entretien…

La garantie locative, c’est obligatoire !

Et bien non ! Il n’y a, en effet et à ce jour, aucune disposition légale prévoyant que la validité d’un contrat de de bail de résidence principale est conditionnée par le versement d’une garantie locative. En clair, un contrat pourrait être conclu sans qu’aucune garantie locative ne soit sollicitée…

Mais, c’est bien rarement le cas ! Ce qu’il faut retenir c’est que l’obligation de constituer la garantie locative repose sur une base contractuelle et non légale. Il est bien évident que le bailleur soucieux de la préservation de ses (légitimes) intérêts, prévoira cette clause dans le contrat de bail.

Si une telle clause existe, c’est cette fois la loi qui vient définir les contours obligatoires de celle-ci !

Le bailleur ne peut donc exiger que la garantie locative, représentée par une somme d’argent, soit supérieure à certains montants et/ou lui soit remise en liquide…

Voici ce qui est autorisé :

le preneur a le choix entre les trois formes de garantie locative :

(1)Fonds déposés sur un compte individualisé et bloqué au nom du locataire :

• lorsque le preneur opte pour un compte individualisé, la garantie ne peut excéder un montant équivalent à deux mois de loyer ;
• les intérêts produits sont capitalisés au profit du preneur ;
• le bailleur acquiert un privilège sur l’actif du compte pour toutes créances résultant de l’inexécution totale ou partielle des obligations du preneur ;
• sanction : si l’argent est versé entre les mains du bailleur, ce dernier devra payer à son locataire un intérêt au taux moyen du marché financier depuis la remise de l’argent.

Si le locataire met en demeure son bailleur de déposer l’argent de la garantie sur un compte, le taux d’intérêt sera de 6 % .

(2)Garantie de la banque :

• cette garantie peut porter sur trois mois de loyer maximum ;
• le principe est le suivant : la banque se porte garante immédiatement vis-à-vis du bailleur, le locataire étant autorisé à payer à la banque le montant de la garantie par mensualités constantes pendant toute la durée du contrat (avec un maximum de trois ans) ;
• l’institution financière doit être celle auprès de laquelle le preneur dispose d’un compte sur lequel il perçoit ses revenus ou ses indemnités de remplacement ;
• si le preneur suspend le payement de ses versements mensuels auprès de la banque, cette dernière pourra dans cette hypothèse exiger le paiement immédiat de l’intégralité du solde de la garantie ;
• la banque ne peut pas refuser une garantie au preneur au seul prétexte de son insolvabilité. Or, si la banque ne peut utiliser ce prétexte, elle peut en revanche décider de ne pas fournir de garantie. Il n’est donc pas exclu que les banques tentent d’éviter au maximum de devoir fournir une telle garantie, et ce compte tenu du risque important que l’émission d’une telle garantie représente pour l’institution financière, laquelle doit garantir le bailleur sans disposer, pendant toute la période d’apurement par le locataire, du montant de la garantie.

(3)Garantie de la banque suivant un contrat standard conclu entre le CPAS et l’institution bancaire:

• elle ne peut porter que sur trois mois de loyer maximum ;
• le CPAS s’occupe des démarches auprès de la banque pour la constitution de la garantie.

Pour ces deux dernières formes de garantie, un formulaire à remplir par la banque et à remettre au bailleur.

Nous précisons également que la garantie locative peut être constituée sous d’autres formes que le versement d’une somme d’argent au crédit d’un compte bancaire et que l’exigence de ces modes alternatifs sont des conditions contractuelles et ne sont pas, nécessairement, discriminatoires.

Interdire un animal est… interdit !

Les contrats de bail contiennent régulièrement une clause relative à l’interdiction de la détention d’animaux dans le logement loué.

La question est donc posée : quelle est la validité d’une telle clause ?

Le Code Civil nous donne la réponse et elle est formalisée par l’article 1134 alinéa 3 dudit code qui indique que la convention fait «la loi des parties » et qu’il incombe donc au locataire (concerné par une clause d’interdiction) de respecter les dispositions du contrat de bail…

Mais l’histoire ne s’arrête pas là !

En effet, si la convention fait loi entre parties, il n’en demeure pas moins qu’un équilibre doit être créé entre les droits et les obligations de chacune d’entre elles et lorsqu’un déséquilibre survient, il appartient à la justice de trancher.

C’est donc à travers les décisions des magistrats qu’il convient de trouver une solution.

Voici un résumé de ce que de nombreux Juges ont décidé : « La simple possession d’animaux sans nuisances particulières, en contrariété avec une clause d’interdiction figurant dans le bail, ne suffit pas à établir une faute contractuelle.

Pareille clause peut être considérée comme portant atteinte, dans l’état actuel des conceptions et des habitudes sociales, au droit à l’intégrité de la vie privée, de la vie familiale et du domicile que consacre la disposition directement applicable de l’article 8.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme. »

Est-ce à dire que toute clause interdisant la possession d’un animal par le locataire est frappée de « nullité » et ne pourra, même si elle est enfreinte par ledit locataire, justifier la résolution du bail ?

A nouveau, la réponse doit être nuancée…

Selon l’évolution de la jurisprudence, il apparaît que l’interdiction générale et absolue sans référence à une quelconque nocivité d’un animal domestique, ne constitue plus une clause valide dans un contrat de bail.

Par contre, le bailleur est en droit de motiver l’interdiction de détention d’un animal en référence à la sécurité des autres locataires, la quiétude et le calme des occupants de l’immeuble,…

Une interdiction péremptoire ne produira donc pas d’effets mais… le locataire ne doit pas oublier qu’il doit user de la chose en bon père de famille, autrement dit, il doit adopter un comportement qui ne puisse nuire aux lieux loués.

Même en cas d’autorisation de détention d’un animal, le locataire doit veiller à l’immeuble, avec tout le soin et les précautions nécessaires et éviter des actes troublant la jouissance des tiers. Il doit donc être attentif à tout comportement animalier susceptible de dégrader le bien loué et d’engendrer des troubles de voisinage (aboiements, …), dégradations ou troubles dont il supportera la responsabilité.

Il faut donc raison garder et, à défaut de textes légaux, se référer au bon sens…

Le bailleur est autorisé à majorer le loyer (bail de résidence principale) dès qu’il change de locataire.

Cela doit être nuancé…

Chaque fois qu’un nouveau bail est conclu entre même bailleur et même preneur ou entre des personnes différentes, le nouveau loyer peut être convenu librement.

Attention, et c’est l’exception au principe, cette règle ne s’applique pas s’il s’agit de baux successifs conclus avec des locataires différents pour une durée inférieure ou égale à trois ans, auxquels il est mis fin moyennant un congé donné par le propriétaire.

En ce cas, le loyer de base ne peut, pendant neuf années successives, être supérieur, sous réserve des indexations, au loyer exigible au début de la location.

Le montant du loyer est dès lors bloqué par période de neuf ans.

Dans cette situation, le juge de paix peut réduire le loyer demandé par le bailleur.

En effet, comme cette disposition est impérative, en cas de non-respect, le preneur peut s’adresser à ce juge pour demander la réduction du loyer au loyer exigible en début de période, proportionnellement adapté au coût de la vie.

En d’autres termes, trois conditions cumulatives sont requises pour qu’il y ait réduction du loyer initial :

– premièrement, il doit s’agir de baux successifs conclus avec des preneurs différents;
– deuxièmement, ces baux doivent être conclus pour une durée inférieure ou égale à trois ans (des baux successifs de courte durée);
– troisièmement, le bailleur doit avoir mis fin à ces baux moyennant congé. La règle ne s’applique donc qu’en cas de congé donné par le bailleur. Si c’est le locataire qui met fin au bail, alors le propriétaire retrouve la liberté contractuelle de convenir d’un loyer supérieur avec un nouveau locataire.

Mais si ces trois conditions cumulatives sont rassemblées, le loyer initial, pendant une durée de neuf années successives, ne peut pas être supérieur au loyer exigible au début de cette période.

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