Les immeubles de rapport et le droit de préemption du preneur bruxellois

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Publié par , le 2 décembre 2025 - ,

En cas de mise en vente d’un logement qui fait l’objet d’un bail de résidence principale de neuf ans, le preneur domicilié dans les lieux dispose d’un droit de préférence (art. 247/1, § 1, du Code bruxellois du logement).

C’est l’article 2 de l’ordonnance du 28 septembre 2023 qui reconnait un droit de préemption au locataire en Région de Bruxelles-Capitale.

Il s’agit en réalité d’un droit de première offre, suivi par défaut d’un véritable droit de préemption en cas de commercialisation subséquente à moindre prix.

La règle est le droit de préemption ; les exclusions sont donc limitativement énumérées par l’ordonnance.

Retenons tout d’abord que le dispositif ne s’appliquera pas :

  • Si le preneur n’est pas domicilié dans les lieux,
  • Si le bail est de courte durée non converti en bail de neuf ans,
  • Si la mise en vente a fait l’objet d’une publicité avant le 6 janvier 2024
  • Si ce n’est pas un bail d’habitation de résidence principale.

Il existe diverses exceptions listées à l’article 247/1, § 2, mais elle ne portent pas directement sur l’immeuble de rapport.

Ce sont des exceptions visant les ventes « intimes » (vente au conjoint, à l’indivisaire, à ma société, vente d’usufruit ou en viager, fusion de sociétés, etc.).

Lorsque l’immeuble mis en vente contient plusieurs unités, il existe une exception particulière très importante pour les marchands de bien.

L’article 247/1, § 2, 9°, exclut le cas des immeubles « à logements multiples occupés par différents locataires, en cas de vente de la totalité de l’immeuble. »

L’exception au droit de préemption suppose donc la réunion de trois conditions :

  • Un immeuble à logements multiples ce qui n’exclut pas qu’il puisse y avoir aussi d’autres affectations (comme dans les logements multiples du RRU),
  • Différents locataires, ce qui exclut différentes unités de logement habitée par un même ménage,
  • La vente de l’immeuble en sa globalité, c’est à dire à la fois les logements et les éventuels autres lots ayant une autre destination.

Donc :

  • Plusieurs logements et vente du tout : hors champ du droit de préemption, l’exception s’applique.
  • Plusieurs logement et vente de certains d’entre eux : dans le champ puisqu’il ne s’agit pas de la totalité de l’immeuble.
  • Plusieurs commerces/bureaux et un logement et vente du tout : dans le champ pour le logement puisqu’il ne s’agit pas de logements multiples.
  • Plusieurs logement et un commerce et vente du tout : hors champ car c’est tout de même un immeuble à logements multiples.
  • Un commerce et un logement  et vente du tout : dans le champ car ce n’est pas un immeuble à logements multiples.
  • Plusieurs logements et un ou plusieurs commerces/bureaux et vente des seuls logements : dans le champ pour les logements car ce n’est pas la vente de la totalité de l’immeuble.
  • Plusieurs logements, plusieurs commerces/bureaux et vente du tout : hors champs car cela reste un immeuble à logements multiples.

On constate qu’il y aura des situations où le propriétaire ne pourra pas vendre in globo et devra diviser si le preneur exerce son droit.

C’est une sérieuse atteinte au droit de propriété car la loi expose le propriétaire à une moins value par perte du marché des investisseurs.

Les investisseurs prennent l’immeuble de rapport entier et ne veulent surtout pas entrer dans une copropriété.

L’ordonnance met en balance le droit de propriété et le droit au logement mais le droit au logement n’est-il pas déjà assuré si l’on est locataire ? cela doit-il passer par l’accès à la propriété ?

En tout cas la Cour constitutionnelle ne s’en est pas émue (arrêt n° 73/2025 du 30 avril 2025).

Ceci étant dit, il faut encore voir la situation du logement qui est lié au commerce.

Cette situation est visée, pour la durée, dans l’article 4 de la loi sur le bail commercial.

Au chapitre des baux relatifs à la résidence principale du preneur, sous la section « Champ d’application », il est précisé à l’article 234 que : « sauf disposition contraire, le présent chapitre n’est pas applicable lorsque le contrat par lequel le logement est accordé au preneur est l’accessoire d’un contrat principal relatif à la fonction ou à l’activité du preneur. »

Or, comme on l’a vu, l’article 247/1 réserve le dispositif au bail d’habitation de résidence principale.

L’article 234 évoque un contrat de bail de logement accessoire d’un contrat de bail de locaux professionnels, ce qui suppose deux contrats, un principal et un accessoire.

Je pense que cela n’exclut pas le contrat global mixte (habitation et commerce) car l’indivisibilité fait de toute façon obstacle à une appréhension en double contrat.

Il faut donc vérifier quel bail est l’accessoire de l’autre, ce qui n’est pas évident. Si c’est le logement qui est l’accessoire du professionnel, il sera hors champ.

Tout cela est inutilement compliqué.

Tous les agents immobiliers vous le diront : le droit de préemption du preneur est encore un machin totalement inutile qui a généré très peu de vente aux preneurs jusqu’à présent.

Le droit d’information de l’article 242 suffisait largement : le locataire qui était capable d’acheter sortait immédiatement du bois et le bailleur était content de lui vendre sans commission d’agence. Mais c’était sans doute trop simple.

 

Illustration: depositphotos

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