Remettre les clés à l’acheteur avant la signature de l’acte ?

Il arrive régulièrement que les acquéreurs demandent aux vendeurs de disposer des clés dès la signature du compromis de vente (et donc bien avant l’acte authentique), dans la mesure où le bien vendu est déjà libre d’occupation.

Pour gagner du temps, l’acheteur souhaite, en effet, réaliser immédiatement certains travaux. Cela lui permettra d’emménager dès la signature de l’acte notarié.

Bien souvent, le vendeur accepte de bonne grâce de mettre les clés anticipativement à disposition de l’acquéreur, mais les parties ne mesurent pas l’incidence juridique de cet acte.

Quelques exemples explicites :

Un jeune couple achète une maison. Ils connaissent bien les vendeurs. L’acompte est payé. Les parents ont « de la surface ». La banque a marqué son accord pour le prêt. Tout va bien. Pas de raison de s’inquiéter. Même si l’acte est prévu dans 3 mois, les vendeurs donnent les clés et les travaux sont entrepris.
2 mois plus tard, c’est le drame. Le jeune couple décède tragiquement dans un accident de voiture. Les parents renoncent à la succession. Les vendeurs se retrouvent avec un chantier inachevé et une maison invendable, sinon à sérieuse perte.
Un acquéreur a reçu les clés et l’autorisation implicite de faire des travaux dans la maison. Il touche à un mur porteur qui s’effondre. Une partie de la maison s’affaisse. Les travaux de remise en état sont trop lourds à supporter financièrement. L’acquéreur préfère abandonner l’acompte versé et ne passera jamais l’acte… Vu la quasi insolvabilité de l’acquéreur, les vendeurs se résignent à renoncer à l’exécution forcée de la vente et se retrouvent avec une maison quasi invendable…
Le vendeur autorise l’acquéreur à effectuer des travaux de détapissage. L’appareil utilisé par l’acquéreur est défectueux et il provoque accidentellement un incendie. Les pompiers doivent intervenir. L’appartement est saccagé et les voisins du dessous ont subi des dégâts. Qui va payer ?
Pour montrer sa bonne foi et prévoir une indmenisation correcte du vendeur « en cas de problème », l’acquéreur a versé au compromis un acompte substantiel de 25 % du prix (au lieu des 10 % habituels), de manière à pouvoir disposer immédiatement des clés et effectuer des travaux.

Après avoir effectué d’importantes rénovations, l’acquéreur apprend du notaire que l’acte authentique ne pourra pas être signé par la faute du vendeur : la maison vendue est hypothéquée pour un montant bien supérieur au prix de vente et le vendeur est criblé de dettes fiscales… Si une solution n’est pas trouvée , l’acquéreur risque de perdre l’acompte remis au vendeur et le prix des rénovations réalisées…
Des exemples de ce type, il y en a beaucoup et « cela n’arrive pas qu’aux autres » !

Donc, remettre les clés avant l’acte, c’est dangereux, tant pour le vendeur que pour l’acquéreur !

Et si c’est réellement impératif ou une condition essentielle de la vente, il faudra, alors, s’entourer d’un maximum de précautions :

– préciser la nature des travaux autorisés et exclure expressément les gros travaux ainsi que ceux touchant aux structures
– imposer la souscription par l’acquéreur d’une assurance couvrant l’immeuble contre tous dégâts (par exemple, une assurance du type « tous risques chantier ») ainsi qu’en responsabilité civile
– prévoir un acompte plus important que les 10 % habituels, mais en prévoir la consignation chez le notaire jusqu’à l’acte et/ou jusqu’à production d’un certificat hypothécaire montrant qu’il n’y a pas d’inscription (ou qu’elle est nettement inférieure au prix de vente)
– prévoir que les travaux réalisés restent acquis au vendeur, au fur et à mesure de leur mise en œuvre, sans indemnité, si l’acte authentique n’est pas signé dans le délai convenun, par la faute de l’acquéreur.
– prévoir que les charges de l’immeuble, le précompte et les consommations sont à charge de l’acquéreur à dater de la réception des clés
– faire signer un reçu pour les clés, etc…

Bref, la solution la plus simple ne serait-elle pas de signer l’acte authentique dans un délai plus rapide que les 4 mois usuels ?…. Et de recevoir à ce moment-là les clés de l’immeuble dont on est devenu propriétaire… et responsable ?!